Mes salutations les Rat-Porcinets !
Que de grandes conversations intenses que sont ces échanges avec Hinavai ! Dans le dernier Rat-Porcinet à ses côtés, nous avons évoqué « l'identité et le métissage ». Et entre quelques réflexions, des rires et des silences, 2 sujets des plus intéressants se sont immiscés dans nos conversations. J'ai fais le choix ici de les combiner car au final, ils se rejoignent. Tout ça pour dire que ce Rat-Porcinet sera un peu plus long mais il en vaut le détour !
Sujets : Tahiti, énergie, croyances
« L’énergie se réfugie. » - Maanu
Hinavai - Tahiti, au-delà du fait que ce soit l’île où toute la population est installée, certes elle est puissante et réside encore cette énergie, mais elle se perd de plus en plus. Et j’ai l’impression que toutes les énergies puissantes et anciennes vont vers la montagne.
Maanu - Elle se réfugie ?
Hinavai - Oui, c’est ça.
Maanu - C’est vrai que c’est assez paradoxal parce que tout le monde est sur le littoral, cherche à être sur le bord de mer mais il n’y a plus de place, alors tout le monde remonte. Ensuite, cette énergie, elle ira où après ?
Hinavai - Je pense qu’elle va se réfugier là où personne ne viendra, dans les vallées.
Mais on ressent encore cette énergie ancestrale comme la Maroto, c’est un endroit de passage.
Maanu - La Maroto me fait un peu peur.
Hinavai - Mon sentiment c’est qu’elle est sauvage et intrépide.
Maanu - Perso, je n’irais pas dormir là bas. Comme tu dis, c’est un endroit de passage, ça virevolte.
[...]
Hinavai - Je sais qu’on a un lien avec des lieux, des îles. Je sais que mes tupuna sont là, que quand j’y vais, je suis accueillie à bras ouverts et ça me fait du bien. Mais je ne sais jamais comment interpréter avec des mots. C’est toujours avec des ressentis.
Maanu - Arrête de vouloir mettre des mots ? Et plutôt ressentir avec ton cœur et non pas avec ta tête (et c’est moi qui le dit, quelle blague). Il faut juste suivre le flow et (je vais être un peu poétique), mais être ce murmure dans les vallées. Ils sont là et si je les entends, toi aussi, souvent proche des cours d'eau. Comme si c’était des secrets, dits à demi-mot, pas assez forts pour être compris et entendus. Mais encore une fois c’est l’inspiration qui parle.
Hinavai - Il faudrait que j’écoute un peu plus. Arrêter de penser que l’on veut me dire quelque chose que je n’arrive pas à interpréter. Se laisser porter, comme lorsque nous étions enfants.
« A partir du moment où tu sais qui tu es, que tu t’acceptes réellement, tu rayonnes et les Autres le voient. » - Maanu
« Tahiti s’épuise. » - Hinavai
Maanu - Tu m’avais dit : « Tahiti s’épuise ou Tahiti est éteinte ? »
Hinavai - Elle ne s’est pas totalement éteinte, elle va s’éteindre. C’est un sentiment.
Tahiti a toujours été l’île où tout le monde se rencontrait (Raiatea aussi), c’est une île puissante à la base. Et le fait qu’il y ait trop de monde, surtout du monde qui ne soit pas de notre culture et de notre sang, ça réduit un peu l’énergie de Tahiti. C’est pour ça que j’ai l’impression que toute l’énergie va vers la montagne. En fait ils se réfugient, tu as trouvé le mot parfait.
Et je trouve ça dommage. C’est une très belle île qui a un passé incroyable, c’est un poisson turbulent à la base, qui a été calmé par Hiro.
Elle n’est plus ce qu’elle était. Elle est encombrée, elle étouffe.
Maanu - Est-ce que c’est vraiment les gens qui étouffent cette énergie ?
Il y a aussi les enfants qui viennent d’ici et qui reviennent.
Hinavai - Nous aussi les polynésiens on y participe, en détruisant des montagnes, des lieux sacrés. Il y a des choses que l’on fait qui n’est pas bien pour notre île. Beaucoup nous ont prévenu et pourtant on ne les écoute pas.
Maanu - C’est la faute à tout le monde au final.
Hinavai - Oui, il y a beaucoup de français qui s’installent ici, de personnes étrangères, les enfants qui sont partis puis reviennent et apportent une nouvelle énergie… Je pense que Tahiti n’était pas prête, malgré sa puissance, à ce changement radical qui se consume au fur et à mesure.
Maanu - Et qui se réfugie dans les montagnes ? Ou quoi ?
Hinavai - Tous les esprits.
Maanu - Mais je me dis, ces gars, ils ont fait la guerre, pourquoi ils ne continuent pas à se battre ? Et peut-être qu’ils continuent et on ne le sait pas. On n'entend pas d’histoires ou du moins pas beaucoup. Et pourtant, on les a entendu ces histoires, ces pierres/tikis déplacés, touchés, marchés, mais elles en deviennent rapidement des légendes.
Hinavai - On a perdu cette vision, cette sensibilité.
Maanu - Et peut-être qu’au final, nous nous menons à notre propre perte. Nous occultons notre vision en mettant ce brouillard, à trop réfléchir avec la tête. On a perdu ce truc d'écouter ce que les anciens disent. Nous on écoute, on a peur, on est intrigué, ce sont des histoires. Mais je pense qu’on a oublié l’essence même, ce ne sont pas que des histoires.
Hinavai - C’est réel.
Maanu - Et pas que chez nous.
On a oublié que ce sont des histoires vraies, pas seulement des histoires qui font peur. On a perdu ce truc parce que l’on veut trop raisonner, chercher une bonne raison, à se dire « ça n’existe pas », etc.
Hinavai - Ceux qui n’ont jamais vécu ça, ne vont pas nous croire.
« C’est nous qui nous menons à notre propre perte en occultant, en mettant ce brouillard, à trop réfléchir avec la tête. » - Maanu
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