19 octobre 2023 - Le Salon du Livre
Tandis que les corps s’éveillent douloureusement à une heure où le bleu de l’aube teinte le ciel encore endormi, la pluie nous conte encore ce matin des poèmes dissimulés où chaque goutte recèle un secret. C’est ainsi que sous une fine averse, entrecoupée de torrents aussi aiguisés que les plumes des volatiles s’en voient pourfendus, que nous nous dirigeons vers la Maison de la Culture, centre de cet événement qu’est le Salon du Livre.
C’est une 23e édition qui sonne le gong avec la cérémonie d’ouverture sous la voix de Christian Robert, Moetai Brotherson puis le représentant du Haut-Commissariat. Un discours de remerciements, de présentation et d’encouragements. La lecture, les livres, l’évasion et la liberté, ce sont les mots que nous retiendrons aujourd’hui, tout autant touchants les uns que les autres.
Ainsi débute le Salon du Livre.
D’ATMOSPHÈRE ET DE RESSENTIS
Au cours de cette cérémonie d’ouverture, Moetai nous fait l’éloge des livres, de la lecture et de l’écriture, une « petite madeleine de Proust » nous dit-il, et quelle madeleine !
Durant ce discours, ses quelques mots du début m’ont inspiré une situation. Celle où en ce temps frais d’averse qui fait si grand bien à nos plantes (comme il a pu nous le faire remarquer), nous incite à rester dans nos foyers dans la chaleur de notre silence. C’est ainsi qu’assis dans un canapé, accompagné d’un thé et d’un firi firi croustillant à la main, encore brûlant de la cuisson grasse que l’on apprécie tant, nous nous vautrons pour se délecter de cette ambiance chaleureuse dans la fraîcheur d’une brise humide.
Mais cet espace temps de confort fut progressivement balayé par la réalité avec un chant :
« Taku Tamaiti E » (Emma Mariterangi)
Ainsi de derrière, s’élève une voix, de l’autre côté une seconde qui reprend, et puis les phrases disparates se répondent comme une discussion entre vallées, un message à donner. Enfin, c’est à corps ouvert que l’appel se fait à l’unisson, dans une même voix, unies, vibrants en un corps dans l’ensemble des entrailles de chacune de ces âmes virevoltes.
Ainsi le chant de nos ancêtres résonne dans nos cœurs pour nous rappeler nos origines.
L’HUMAIN DÉLIVRE
Le soleil est revenu cet après-midi et moult conversations ont été tenues sur le paepae a Hiro, notamment :
« Littérature et territoire »
Les invités : Larry Thomas, Yan Lespoux, Marin Ledun, Rodney Morales et Titaua Peu.
Des conversations divergentes bien qu’elles se rejoignent sur certains points, allant d’un territoire à un autre, de la France à Hawaii, puis de la Polynésie à Fidji. Des pensées, des expériences, des témoignages dans cette dimension littéraire, sociale, politique.
Humaine en un mot.
Écrire sur un territoire qui n’est pas le nôtre ? Oui, « nous avons le droit d’écrire sur un autre territoire mais avec prudence, de l’humilité et beaucoup de recherches » nous dit Yan Lespoux. Il continue en faisant écho à ces villes touristiques, où l’écriture sur un territoire permet de faire voir ces personnes que l’on ne voit pas forcément.
« Parler des gens que l’on ne voit pas ou que l’on a pas envie de voir. » - Yan Lespoux
Car après tout, quand les vacances sont finies, que les plages se vident et que les bars respirent le silence, que reste-t-il ?
Nous terminerons avec quelques mots de Rodney Morales venant de Hawaii qui mentionne ce fait qui n'est que peu amené : « Des gens viennent faire des films, se font de l’argent puis repartent ». Un fait si banal qui amène au débat, à la réflexion et à la prise de conscience.
D’autres échanges qui n’ont pas été retenus ici ont été des plus enrichissants mais le format ne permet pas de s’étaler. Alors, allons à la rencontre de ces voix, de ces pensées, pour comprendre, s’ouvrir, s’émerveiller et s’indigner, car les émotions quelles qu’elles soient, sont toutes enrichissantes.
LE BÉGUIN DU JOUR
Au final, les lumières du couchant ont réussi à transpercer l’épais amas de coton surplombant le ciel.
Pour le béguin du jour, parlons de Titaua Porcher et de sa voix dans l’écriture du théâtre. Ce timbre qui résonne par son aspect ancestral « le théâtre n’est pas si loin de nous, il faut renouer avec cette oralité » précise-t-elle. Et oui, comme elle a pu le faire remarquer par son expérience d'enseignante, nous avons essentiellement des bases de théâtre loin de notre terre.
Et pourtant.
Et pourtant des écrits naissent et prennent vie dans des représentations. Certes, pas assez vu, pas assez entendu. Mais un jour viendra où le renouveau de la littérature polynésienne trouvera son chemin et, tel un bourgeon peinant à s’ouvrir, de pétale en pétale il s’ouvrira et pourra s’épanouir dans une renaissance grandiose.
C’est ce que nous espérons et c'est ce qui adviendra avec patience et courage.
Nous voilà arrivé au terme de cet article. J’espère que ce nouveau format plaira, qu’il trouvera de nouveaux lecteurs, qu’il amènera à la réflexion. Et surtout ! Donne l’envie aux curieux de se faufiler dans l’espace du Salon du Livre pour écouter, apprendre, rire, pleurer, s’émouvoir à foison, dans la rencontre et la conversation.
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