Salut mes gastéropodes amoureux,
Le soleil est encore à son zénith à l’heure où s’écrit cette introduction. Si haut que l’horizon s’en retrouve flou de lumière, faisant de la mer un reflet étincelant qui noie notre regard d’une blancheur aveuglante, nous faisant plisser les yeux de douleur alors que nous tentons désespérément d’observer ce qu’il en découle de cette mer languissante. Quelques nuages non loin de là apposent leur ombre comme une ombrelle, offrant un temps de répit à ces passants harassés par la chaleur de la ville. Un instant de douceur apprécié de ces humains tiraillés par le bitume fumant. Alors le voyageur se résigne, son regard trop régulier à vouloir scruter l’horizon lui doit quelques froncements de sourcils. Puis, de ses doigts rugueux, masse ses globes oculaires essoufflés de la réverbération. Un coup d'œil en arrière et il est temps de partir à la rencontre de sa compagne. Son chapeau posé sur le coin de son crâne, la moustache redressé, il reprend sa canne posée sur le bord du bar et marche d’un pas léger vers sa dulcinée.
« La satiété heureuse de mon corps était tout aussi réelle que la famine de mon cœur. »
En 3 points → Relations, amour, jeunesse
LE CORPS DE L’OEUVRE
« Un profil perdu », c’est une histoire d’amour aux assonances d’une télénovelas moderne. En d’autres termes, aussi addictif qu’une mamie plongée dans son feuilleton télévisé où les paroles s’égarent plus vite dans nos écoutilles que les mouvements labiaux des acteurs. Un cliché fort bien entretenu où, peut-être, y réside là, la force même de ces programmes.
« Un profil perdu » de Sagan, c’est une écriture douce et volatile qui se laisse porter par le regard. Ce sont des péripéties qui se transforment et vacillent d’empathie, entre désarroi et espoir. C’est aussi une plume fugace qui tranche, déchire et poignarde dans la beauté de ses mots, ce sont des phrases qui bouleversent l’esprit de ses images touchantes et vibrantes.
C’est la quête d’une femme, que dis-je, la conquête d’une femme vers son indépendance qui s’avère être malheureusement faussée, constamment manipulée par autrui sans que l’on puisse agir ou conseiller. C’est une vie qui tente de subvenir à ses besoins, à grandir et s’épanouir. Et pourtant, le passé revient sur ses pas au grand galop que l’on ne contient pas, ce sont des personnages sévères qui énervent, une femme que l’on a envie de secouer, tantôt naïve presque simplette, tantôt forte et courageuse. C’est une lecture qui narre la vie de beaucoup de femmes, je le pense, et c’est une belle envolée que ce livre nous dévoile.
DES PRÉLIMINAIRES EN ÉMOIS
Comment ne pas débuter ces préliminaires littéraires avec ce coup de cœur d’écriture qui régale les papilles rétiniennes de ces images sans pareil.
« Le reste du temps, on se laisse flotter sans se voir, on se laisse disparaître dans une traînée de bulles saumâtres et sans couleur vers les fonds les plus bas, aveugle, sourd et muet de désespoir. Ou alors, au contraire, on resurgit superbe et triomphant dans l'œil de quelqu'un, quelqu’un d’autre, aveuglé de ce soleil que vous êtes pour lui et qu’il invente au péril de son cœur. »
« Egarée dans le désert de cette voiture trop grande et de mon cœur trop exigu, j’essayais bêtement de retrouver le nord, le sud, l’est et l’ouest. En vain. »
C’est un grand plaisir culinaire que sont les images de Dame Sagan qu’elle nous laisse à loisir nous délecter, aussi délectable que ces fameuses pâtisseries que sont les babas au rhum et les frangipanes dont raffole notre héroïne. Une infusion pure d'héroïne littéraire qui fait chavirer les cœurs les plus sensibles.
« Peut-être, un jour, en arriverais-je aussi à bâillonner délibérément les loups affamés de mes désirs, les oiseaux criards de mes angoisses et de mes regrets. Peut-être un jour en arriverais-je à ne plus supporter de moi-même qu’un décalque en noir et blanc, sans couleur et sans arrêtes. »
Et puis elle parle également de l’intensité de la vie, des corps et des cœurs (et pourrions-nous même oser dire de l’âme ?).
« Et moi qui savais combien la maladresse diurne traduit l’accord nocturne, combien la distance affichée révèle l’impudeur secrète, j’eus un sentiment d’orgueil et de gratitude vis-à-vis de ces corps violents que je savais être celui de Louis, le mien, et qui se maîtrisaient si bien devant un tiers regard. »
Nous constatons aisément que le mot « cœur » est bien redondant dans cet article. A-t-il sûrement sa raison ?
UN METS POUR QUELLE DILETTANTE
Je dirais que c’est une œuvre qui peut plaire aux adolescents ainsi qu’aux adultes et qu’en plus de cela, une interprétation différente pourrait s’en détacher de par le niveau de maturité de chacun.
Ce fut une réelle découverte littéraire (grâce aux Boîtes à livres de Polynélivres) qui s’avère être un auteur classique. Certes, Françoise Sagan est plus connue avec son œuvre « Bonjour tristesse », mais cette première rencontre avec « Un profil perdu », ne s’en est pas vue moins efficace. Alors oui, pour les âmes sensibles, il est question de violence, mais cette dernière est, à mon goût, plutôt modérée (nous parlerons plutôt de violence conjugale peu explicite, avec séquestration de notre protagoniste par son mari possessif, violent et manipulateur). Je précise « modérée » car peu de scènes sont décrites et seule la petite première partie, en fait référence pour poser le décor du personnage. Le reste, c’est une aventure à découvrir ou à redécouvrir avec autant d’émotions que possible.
SAGAN Françoise. Le profil perdu. Editions Pocket, 1997
Comments