La forêt de Miri : Une extinction avancée et inéluctable - Le Lundi-littéraire
- Maanu RMD
- 12 mai
- 5 min de lecture
Salut mes gastéropodes aventuriers,

Jeudi 1er mai, le temps est à la marche et à l’évasion. Je profite de ce moment imposé de repos pour partir à la conquête d’un lieu qui me tient à cœur, tant par ses souvenirs fabriqués, que par sa beauté naturelle. Cap sur la forêt de Miri, une grandeur en désespérance face à la croissance aigue et insatiable des bâtisseurs humains, brisant et humiliant le respect que la Nature nous impose.
Cela n’est pas un sujet nouveau, il existe depuis tant d’années déjà et pourtant, j'entends peu de voix se révolter. J’entends plutôt les échos tristes de nos aïeux, murmurant aux sourds de s’arrêter pour préserver ce qu’il reste de notre richesse. J’entends les soupirs des plus anciens qui disent « ce n’était pas comme ça avant, il y avait plus de montagne. Là, elle se fait grignoter par les habitations. C’est dommage. ». Un soupir que je partage et qui me prend le cœur à chaque regard vers les monts. Tous les matins.
Ainsi, c’est dans une écriture d’émotion que je mets à plat mes mots et mes pensées face à cette fatalité contre laquelle je me sens impuissante.
La folie des terrassements
La destruction de microcosmes
Et après ?
La folie des terrassements

Je le disais tantôt, ce n’est pas un sujet nouveau que celui des terrassements incessants. A l’allure d’un virus impalpable et pourtant bien établi, il brise les flancs de nos montagnes, affaisse nos terrains pour créer un plateau confortable pour ces humains fortunés et égoïstes qui ne pensent qu’à leurs superbes vues sur « les hauteurs de Miri à Punaauia ».

C’était le mois dernier que je m’y étais rendue pour réaliser une séance photo avec un ami, quand je fus transpercée par la vue de ce panneau de construction. Un avertissement planté fièrement là, à la lisière de la forêt, comme une menace à l’encontre de nos aïeux et une promesse pour ses futurs acquéreurs. J’ai mis du temps à prendre conscience ce qui allait se passer, une réalité fatidique qui s’encre de plus en plus avec gravité.
Un mois plus tard, au cours d’une pause dans le travail, me voici à grimper les flancs de Miri pour archiver sa beauté, le cœur rempli de peine.

« En réponse aux défenseurs de la nature, les propriétaires de Miri sont aujourd’hui conscients qu’en achetant dans ce type de lotissement, ils ont contribué à la destruction de la nature. Ils ont cru en la rengaine des commerciaux du promoteur, affirmant à l’époque sans vergogne que tel lot serait « le dernier du lotissement », lotissement qui compte aujourd’hui 840 lots. Il faut réellement réfléchir aux lotissements 2.0 plus en adéquation avec la nature mais surtout promus par les vrais propriétaires terriens ! », Pétition “Non au projet de lotissement Capoe de M.Barbion”, 2018.
La destruction de microcosmes

Ce n’est pas seulement une forêt, c’est tout un peuple qui y réside. Ce sont des insectes et des petits animaux qui gambadent librement dans un écosystème réglé et bien ficelé. Ce sont des plantes endémiques, aussi petites soient-elle, qui continuent à perdurer et ne peuvent se plaire qu’à cette altitude et à ce climat précis. Ce sont des fougères et des champignons, ce sont des fleurs et des arbres, des bouquets de pétales sauvages et des odeurs familières qui caressent le gosier. C’est l’air de la forêt, embaumé par son tapis de pins, broyé par les pieds nus foulés sur la brise à peine déposée.

C’est également une rivière et des sources qui coulent à proximité, qui ne dort jamais et laisse son fluide magistral s’étendre à ses pieds. Ce sont des puhi ayant trouvé refuge entre les rochers, des pierres ancestrales aux mémoires enchantées et des arbres survivants, dansants sur le flot incessant du vent dans la canopée.


Pour sûr, me semble-t-il, qu’il me manque bien d’autres rencontres animales et végétales au cours de mon aventure romanesque, il n’en demeure pas moins que ces richesses vont tout simplement mourir et dépérir au profit d’humains insensés.

« La présence des espèces protégées sur l’emprise du projet, en particulier des oiseaux et peut-être même des escargots. L’étude d’impact le confirme en partie mais ne site en aucun cas la loi qui dit pourtant qu’ “En vue de protéger les espèces appartenant à la catégorie A de la liste des espèces protégées, sont interdits en tout temps et en tout lieu : 3° La destruction, l’altération, la modification ou la dégradation des habitats naturels desdites espèces, y compris les cavités souterraines naturelles ou artificielles.”Aujourd’hui, les services concernés doivent faire en sorte que les lois soient appliquées et interdire la destruction de cette zone naturelle où sont présentent ces espèces protégées. », Pétition “Non au projet de lotissement Capoe de M.Barbion”, 2018.
Et après ?

Et après, que restera-t-il ?
Que restera-t-il lorsque nous aurons grignoté la totalité de la montagne par ces habitations toujours plus extravagantes les unes que les autres, dans une sorte de concours testostéronaire de, « qui aura la meilleure maison pour montrer sa richesse et ses idées les plus loufoques » aux autres ?
Que nous restera-t-il de notre terre quand tout l’écosystème détruit ne pourra plus se renouveler ?
Que restera-t-il de notre mémoire et de notre Histoire ?
Une vieille carte postale de montagnes pelées ? Un coup de soleil sur ces monts jadis verdoyants où la terre mise à nue ne laisse apercevoir que des ronds et des rectangles de bleus lagons pour satisfaire le besoin sanguin d’un humain à posséder une piscine, alors qu’une mer radieuse s’étale face à lui ?

Quand prendrons-nous le temps de nous arrêter pour respirer et prendre dans notre gueule la réalité qui s’acharne inéluctablement ?
S’agit-il de ces mêmes personnes qui s’affolent de la déforestation mondiale et qui n’en a cure de notre propre territoire ? Certes, nous ne pouvons comparer de cette manière et il est bien évident que l’impact n’est pas à la même échelle. Mais prenons le temps de réfléchir un peu et regardons déjà vers là-bas, tout proche de nous, à quelques minutes de la ville : les terrassements.
Nous les entendons bien ces pédants s’insurger des forêts dévastées, râler de la cruauté humaine dans leur canapé en cuir, le cul bien installé dans leur maison construite sur les montagnes encore saignantes des coups de pelles. Ils n’en n’ont cure et pourtant, si nous pouvions déjà travailler à notre échelle et sauver nos forêts...

« Il est important de rappeler qu’une partie de ce défrichage a débuté avant même la diffusion de l’étude d’impact. Pourtant la réglementation polynésienne sur les eaux et forêts interdit le défrichage de toute végétation a moins de 20 mètres d’un cours d’eau. », Pétition “Non au projet de lotissement Capoe de M.Barbion”, 2018.
Je ne sais pas où pourra aller cet article, ni même s’il servira à quelque chose. Il sera toutefois un témoignage de ce qu’il se passe actuellement en mai 2025.
J'ai fais quelques recherches sur les actions ou contestations à ce sujet, qui illustrent cet article et dont vous trouverez les sources à la fin.
Je ne sais pas si cette forêt peut être sauvée. Je constate juste la véracité du présent et la terrifiante réalité future. Je ne suis qu’un témoin de cette blessure que l’on afflige consciemment à notre île. Une île victime d'une image où l'on prône toujours plus les lagons et les colliers de fleurs, pour aisément toujours plus oublier les réalités sociales et environnementales catastrophiques.
Mon cœur est lourd et j’avoue que ma balade du jour a été quelque peu émotive. Mon esprit disait « profite, car ce seront les derniers instants de ce lieu » et mon espoir criait « tu survivras ! ».

NOTA BENE
Pour l’illustration de cet article, il s’agit bien entendu de clichés que j’ai réalisé le jour même, capturant toutes les rencontres et les souvenirs que j’ai attaché à ce lieu.
SOURCES
Pétition “Non au projet de lotissement Capoe de M.Barbion” lancée le 20/08/2018 : https://www.change.org/p/non-au-projet-de-lotissement-capoe-de-m-barbion
“192 lots à Miri : la réponse de l’association Manu” - Tahiti Infos (03/08/2018) : https://www.tahiti-infos.com/192-lots-a-Miri-la-reponse-de-l-association-Manu_a173938.html
“Miri 7 : des riverains contre les travaux d’extension, le promoteur leur réclame 1,2 mill iard cfp” - Polynésie 1er (12/09/2023) : https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/miri-7-les-travaux-bloques-par-des-riverains-le-promoteur-leur-reclame-1-2-milliard-cfp-1427987.html
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